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A la recherche du banc perdu
J’ai déjà parlé de l’absence totale de bancs à la gare de Genève, qui fait que si on doit absolument s’asseoir, il faut sortir de la gare pour éventuellement trouver une rare place assise sur un des rares bancs de l’arrêt de tram.
Vous ne le remarquez peut-être pas encore, mais ce banc de bois souvent vert et vernis où vous vous êtes délicieusement assoupi à l’ombre un jour d’été caniculaire, où vous avez rêvassé des heures en pensant avec volupté à tout ce que vous deviez encore faire et que vous n’étiez pas en train de faire, où vous avez dragué tant de fois, d’où vous avez pu observer, peut-être avec une certaine envie, les amours pigeonnières, et bien ce banc est en voie de disparition.
Pourtant Brassens le dit très clairement: ‘Les gens qui voient de travers/Pensent que les bancs verts/Qu’on voit sur les trottoirs/Sont faits pour les impotents/Ou les ventripotents/Mais c’est une absurdité/Car à la vérité/Ils sont là c’est notoire/Pour accueillir quelque temps/Les amours débutants‘… Ne nous étonnons pas si la balance des naissances accuse un dangereux déficit, en particulier dans notre pays.
C’est qu’il y a un processus généralisé de disparation du banc simple et confortable et un processus généralisé de remplacement des survivants par le banc design, pratique et moins cher à l’entretien, en métal, voire en béton, incommode, coupé par des accoudoirs pour être sûr qu’on ne va pas s’en servir comme couchette (très tendance en ce moment d’appauvrissement général).
Alors je fais un appel, et j’espère que MM. Blocher et Freysinger, toujours aux avant-postes quand il s’agit de venir au secours de la patrie, se joindront à ce cri de désespoir d’un utilisateur créatif du banc public: rendez-les nous!
Car ne nous y trompons pas: le banc public est un symbole majeur de la vie en société et de la tolérance, qui permet à chacun, pauvre ou riche, abstinent ou ivrogne, bourgeois ou vagabond, travailleur ou paresseux, de poser ses fesses stressées sur un objet partagé par tous les citoyens.
Et si on considère que le problème c’est que les pauvres ont tendances à les squatter, eh bien au lieu de les supprimer, rajoutez-en un maximum, comme ça il y en aura pour tout le monde.
Signé: un rêvasseur impénitent et frustré.
Une contribution de «IdioCHyncrasies», le blog de Sergio Belluz sur Le Temps. En dernier: Mais que sont nos gares devenues
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