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Depuis 40 ans, les Éditions d’En Bas tiennent le haut du pavé littéraire
Les Éditions d’En Bas, à Lausanne, viennent de fêter brillamment leurs 40 ans d’existence : fondées en 1976 par le sociologue Michel Glardon, la maison est dirigée depuis 2001 par Jean Richard, qui lui a donné un tour plus littéraire tout en gardant ce qui reste la raison sociale (dans le sens fort du terme) de la maison : rendre compte de la face cachée de la Suisse par la littérature, le récit de vie ou l’essai, d’où le magnifique nom de la maison, qui, pour être complet, aurait même pu s’intituler Les Éditions d’En Bas À Gauche, même si on n’y est pas sectaire.
C’est pour ces mêmes raisons qu’il faut saluer la réédition dans la même maison de ‘De seconde classe‘, le premier livre de Janine Massard, un petit chef-d’oeuvre passé presque inaperçu en 1978 et qui retrouve-là une seconde vie de première classe, méritée pour ce brillant récit de voyage en train et sac au dos, cette fugue bachienne, musicale et littéraire dans son écriture virtuose, comme un seul long monologue ponctué par les cliquetis réguliers des roues sur les rails, dans une Europe à créer et encore hérissées de frontières (les réfugiés arrivaient de l’Est, alors…).
Une politique éditoriale intelligente, cohérente et équitable
Il faut louer la cohérence d’un catalogue qui, tout au long de ces 40 ans, a su respecter le cahier des charges de départ avec les études sociologiques d’auteurs comme Alain Maillard (‘Faux réfugiés? La politique suisse de dissuasion d’asile’, avec Christophe Tafelmacher), les témoignages (‘Cinquième étage, à gauche!’, un long entretien avec le comédien André Steiger), ou les ‘Croquis Colère Divagation’ de la regrettée Joëlle Stagoll, tout en renforçant le fond littéraire avec des auteurs comme Jérôme Meisoz, qui y a publié ‘Père et passe’, ‘Jours rouges’, et le magnifique ‘Fantômes’, avec l’illustrateur Zivo.
Et il faut particulièrement remercier Jean Richard d’avoir su donner reconnaissance et lettres de noblesse aux traducteurs et traductrices maison: « La traduction est une œuvre de création à part entière. Le traducteur est capable de faire bouger la langue française, au même titre que l’auteur dans sa propre langue », déclare-t-il à la revue Le Matricule des anges.
Un magnifique catalogue suisse
Ce parti pris a permis, avec l‘appui financier de Pro Helvetia et, souvent, des départements culture des villes et des cantons dont sont originaires les auteur(e)s, de donner à la maison, tout en restant dans son rôle ‘social’, un rôle essentiel de passeur pour de magnifiques auteurs suisses non francophones comme le Grison Arno Camenisch (‘Sez Ner’ et ‘Derrière la gare’), traduit de l’allemand par Camille Luscher (auteure d’une brillante nouvelle traduction du fabuleux Guillaume Tell pour les écoles de Max Frisch, paru en 2014 chez Héros-Limite), le Suisse allemand Pedro Lenz et son génial ‘Faut quitter Schummertal!’, superbement traduit par Daniel Rothenbühler et Nathalie Kehrli – l’original est en bärndütsch –, ou le ‘Une voix pour le noir, 1985-1999‘ du Tessinois Fabio Pusterla, dans la traduction de l’excellente Mathilde Fischer.
On pourrait presque dire, paraphrasant un célèbre slogan, qu’en Suisse, en matière de traduction et de diffusion de la littérature nationale, dans ses similitudes exprimées dans des langues multiples, on n’a peut-être pas de Département fédéral de la culture, mais on a au moins les Éditions d’En Bas, à qui on souhaite très très longue vie.
Une contribution de «IdioCHyncrasies», le blog de Sergio Belluz sur Le Temps. En dernier: On exige du people
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