Georges Haldas

Boulevard des Philosophes

« Cette explosion soudaine [d'une valse de Strauss], comme si toute sa jeunesse, passée à Vienne, entre autres, lui était remontée à la gorge, avait ouvert une brèche par laquelle les larmes venaient de se précipiter. »

Georges Haldas était un brillant chroniqueur sur les traces de son temps et de sa ville : Genève. Dans « Boulevard des Philosophes » paru en 1966, il raconte sa jeunesse dans le quartier de Plainpalais. Précautionneusement, il avance à tâtons dans un labyrinthe ombragé pour se rapprocher d’un être énigmatique : « l’homme mon père ». La patrie de ce père est bien loin, dans la mer Égée, sur l’île grecque de Céphalonie. Entré par mariage dans une famille bourgeoise de la Genève calviniste, il y restera pourtant toujours, avec son tempérament méridional, un étranger, à lui-même également. Il s’est adapté, mais a échoué professionnellement. Ainsi une déchirure l’a traversé : il était cultivé, affable et tolérant, mais il pouvait en même temps être impatient, colérique et réagir haineusement à l’égard du « peuple », ce qui le fit même sympathiser un temps avec le mouvement fasciste d’un Georges Oltramare.
Le chroniqueur Haldas ne se focalise cependant pas seulement sur sa relation difficile et souvent douloureuse au père. Il enchâsse plutôt son portrait dans le quotidien indolent du quartier, d’une part, et, d’autre part, dans l’agitation fébrile des années 1920 et 1930, quand l’excitation politique culmine, le 9 novembre 1932, dans l’intervention mortelle de l’armée contre une manifestation de travailleurs. De façon sensible et vivante, Haldas trace ainsi le portrait d’un homme aimé et blessé, dans la vie duquel se reflètent les luttes d’une époque.

(Beat Mazenauer, trad. par Christian Viredaz)

Editions Rencontre, Lausanne 1966

ISBN: 978-2-8251-0093-6