Urs Widmer

Top Dogs

«Business, das ist Krieg. Blut und Tränen. So ist das.»

L’économie est une ancre de notre société qui est souvent plantée dans un sous-sol meuble. Des expressions telles que « technology assessment » et « just-in-time delivery » s’infiltrent dans la langue de tous les jours, souvent sans rime ni raison. Avec une combine raffinée, Urs Widmer en a fait un spectacle. Dans une « New Challenge Company » se retrouvent d’anciens cadres qui ont été « outplaced » par leur société, autrement dit licenciés par mesure d’économie. Leur retour à la normalité est douloureux et difficile, parce qu’ils sont tous prisonniers des formules toutes faites qu’ils ont apprises par cœur. Des décennies durant, ils se sont montrés performants quand il s’agissait d’optimiser leurs divisions, sacrifiant leur vie privée uniquement pour se retrouver eux-mêmes virés du jour au lendemain. Ils sont devenus le résultat de leurs propres stratégies. Dans des jeux de rôle et des entretiens de suivi, ils tentent de reprendre pied.
La pièce d’Urs Widmer est un jeu aussi traître qu’a-idéologique avec des expressions et des stratégies devenues depuis longtemps autonomes. Le marché et le pouvoir créent leurs propres lois, qui suivent les règles de la guerre plutôt que celles de l’humanité. Dans un « globish » cru (pour reprendre l’expression forgée par Daniel de Roulet) se crée un monde à part dont il est presque impossible de ressortir. « Top Dogs » d’Urs Widmer crée pour cela des scènes aux allures aussi bien comiques que tragiques. Nous tous faisons déjà peu ou prou partie de ce monde artificiel appelé marketing.

(Beat Mazenauer, trad. par Christian Viredaz)

L'Arche, Paris 1999

ISBN: 2-85181-435-4