C'est le point de non-retour. Laura va subir l'egoïsme de son peintre, ses caresses volées, ses caprices enfantins. Mais l'attachement qui se crée malgré tout entre eux va pousser à ne pas abandonner le projet de lui faire voir le monde comme il s'esquisse dans sa tête à elle, lumineux et où le bonheur est possible, alors que lui imite platement le style d'Edvard Munch. Ainsi, la possession devient dévotion. Mais, plus qu'amèrement, le narrateur d'Etienne Barilier ne voit en cette fille simple qu'une «prétention d'être», en cela qu'elle n'est pas aimiée. «Nous ne sommes pas le sens au monde», assène-t-il.
Si la poésie d'un corps ou d'un monument de venise, théâtre de ce roman nerveux et superbe, parvient à l'émouvoir, celle-ci n'est que la dernière lueur d'un monde qui n'est rien, où, «rien n'est rien». Annonçant les thèmes qui feront le sel de l'oeuvre de Barilier: l'art, l'Italie et donc, forcément, la beauté.
«Laura» d'Etienne Barilier contient toute les chères obsessions de l'essayiste et romancier.
(Lucas Vuilleumier)
Ce texte a été publié pour la première en 2013 dans L'Hebdo Hors-série «Littérature Suisse, 100 livres essentiels».
L'Age d'homme, Lausanne 1989
ISBN: 978-2-8251-2465-99